BAC NORD
CONFERENCE DE PRESSE
BAC NORD – MARSEILLE
MERCREDI 11 DECEMBRE 1013
M. JOEL DUTTO
150, RUE DE LYON 13 15 MARSEILLE
Conférence de presse du 11 / 12 /2013
BAC Nord – Marseille
Mesdames, messieurs, bonjour.
Permettez moi de remercier les représentants de la presse, mais également les proches et ami-es qui ont souhaité manifester leur soutien par leur présence et de me présenter, je suis Monsieur, Joël Dutto.
A ce stade de ce que l’on a appelé l’affaire de la BAC Nord, j’ai souhaité rendre public un point de vue, celui d’un père dont un des fils, fonctionnaire de police est mis en examen et avait été incarcéré dans le cadre de celle-ci.
Si je m’exprime aujourd’hui, c’est après avoir laissé le temps à l’instruction judiciaire de suivre son cours et à celle administrative d’être close.
Je le fais après avoir été attentif à la façon dont presse écrite, parlée et audio visuelle en a rendu compte et surtout pris le temps d’étudier tous les dossiers, ceux relatifs à l’enquête judiciaire et ceux de l’enquête administrative.
Durant cette période les intéressés, soumis au droit de réserve n’ont pu s’exprimer.
Dans quelques jours comparaitront devant le Conseil de Discipline, les derniers fonctionnaires concernés, ceux, parmi les 17, mis en examen, qui ont été incarcérés près de trois mois en préventive. Ils risquent la révocation.
J’ai donc décidé que le moment était venu de m’exprimer, étant conscient que les fonctions électives que j’exerce dans cette ville peuvent conduire à ce que mon expression publique soit exploitée à des fins politiciennes, mais peu m’importe, j’y ferai face.
Je souhaite que l’opinion publique ait connaissance de la réelle dimension d’une affaire pour laquelle les policiers de la BAC Nord sont mis en cause.
A cet égard, Je veux également exprimer ma conviction que la police n’est pas au dessus des lois de la République.
Si des faits délictueux sont établis, mon fils, comme ceux qui en seraient concernés, devra en répondre devant la justice, il en assumera la responsabilité, néanmoins je resterai, à ses cotés dans ce moment là, pour le soutenir.
Mais dans le cas présent, comme pour tout autre citoyen, ce qui doit prévaloir c’est en premier lieu la présomption d’innocence, la réalité des faits établis à leur encontre et non des interprétations ou autres suppositions
Il me semble donc important de souligner qu’à ce jour la majorité des sanctions prononcées, par les conseils de discipline qui se sont tenus, a mis en évidence le décalage entre la médiatisation de cette affaire et la réalité des faits établis.
Aujourd’hui, j’ai le sentiment que pour les derniers fonctionnaires traduits devant le Conseil de Discipline, l’administration peut être tentée de les sanctionner non pas au regard des manquements ou défauts de procédures commis, mais pour justifier aux yeux de l’opinion publique, l’ampleur donnée à cette affaire par des déclarations et des décisions inappropriées.
Cela m’amène à faite trois remarques :
1 - La première, sur la médiatisation de l’affaire
Le point de départ en a été les déclarations du Procureur de la République, M. Jacques Dallest, lors de sa conférence de presse du 05 octobre 2012.
Il a utilisé des mots très durs « service gangréné, utilisation de cagoules dont une artisanale, de pieds de biches, pratiques récurrentes de perquisitions illégales, drogue trouvé dans les plafonds de la BAC Nord, extorsion de fonds, écoutes accablantes, système organisé, certains se payaient sur la bête » et j’en passe.
Or la réalité était tout autre et M. Dallest aurait du savoir qu’au moment où il tenait sa conférence de presse les auditions faisaient apparaître des réponses aux accusations portées.
C'est le cas par exemple, des cagoules trouvées.
Il se trouve que le fonctionnaire incriminé s’est expliqué. Il est motard, ces cagoules il en a fait l’acquisition dans un magasin spécialisé pour vêtements de motard dont il a donné le nom et l’adresse. En outre la possession de cagoules ne constitue pas un délit au sens du code pénal.
Il annonce la découverte d’un pied de biche dans l’armoire de ce même fonctionnaire. En fait il s’agit du matériel réglementaire non remis en place ce jour là, dans le local prévu à cet effet. Cela figure dans le PV d’audition et facilement vérifiable.
Le procureur Dallest fait état de blanchiment d’argent, supposé être celui de racket ou d’extorsion de fond exercé à l’encontre de dealers.
Là encore, la réponse est dans le PV d’audition, il s’agit d’un dessous de table dans le cadre d’une transaction immobilière, ce qui est une pratique courante dans notre pays et dont la sanction relève des services fiscaux.
Le fonctionnaire concerné, a donné le nom de l’acheteur, du notaire, de l’agence et la nature du bien et malgré ce on livre à la presse des suppositions infondés
Le procureur Dallest fait état de perquisitions illégales, or il s’agit d’un fait qui apparaît une seule fois, pendant les 12 mois d’enquête, il concerne un seul équipage et pour lequel le qualificatif, illégal utilisé, est tout à fait contestable.
Quand aux sonorisations qui, d’après lui, ne laisseraient aucun doute sur les pratiques illicites, il aurait pu indiquer à la presse,
1) que dans la grande majorité d’entre elles ont y trouve tout au plus que des bribes de phrases ou de mots rattachés l’un à l’autre par les enquêteurs de l’IGPN.
2) que les transcripteurs ont pris la précaution de signaler en début de PV de transcription, qu’ils attiraient l’attention sur la mauvaise qualité des transcriptions, à cause des bruits parasites, bruits extérieurs, de la radio du véhicule de service, des radios des agents, du moteur et des conversations entre mêlées.
Mais voilà, le décor est planté et l’on voit apparaitre des titres du style « BAC Nord l’affaire du siècle pour la police Marseillaise ». On assiste dès lors à une sur-médiatisation de l’affaire par la presse locale, nationale, internationale. Elle fait la une des JT de 20 h et des chaines offrent des plateaux à celui présenté comme l’homme qui a mis à jour ce scandale : un ex policier révoqué, vers qui tous les micros se tendent.
Au passage personne ne lui pose des questions sur les raisons de sa révocation. De même que personne n’interroge l’administration à ce sujet.
En fait le procureur de la République donne à la presse une vision de cette affaire à partir d’éléments tout à fait contestables fournis par l’IGPN et dont il n’a pu vérifier la réalité.
Il en est de même pour les juges d’instruction qui prennent des décisions lourdes de conséquences pour les policiers concernés, mais pour lesquels ils décident deux mois et demi plus tard, la remise en liberté, avec autorisation de travail, du port d’arme et restitution de la carte police.
2 - La deuxième remarque porte sur les conséquences de la dissolution de la BAC Nord.
Sans attendre la suite de l’instruction judiciaire et administrative, qui à ce moment n’a pas débuté, le ministre de l’intérieur prend la décision de dissoudre la BAC Nord jour et de suspendre immédiatement 30 fonctionnaires.
Ce choix est fait alors que l’implication des fonctionnaires de la BAC Nord dans un système organisé d’actes délictueux n'a pas été démontré et que les faits ne sont pas établis.
On peut légitimement s’interroger sur l’opportunité d’une telle décision et sa pertinence. Pourquoi dissoudre une brigade dont l’efficacité était reconnue Quelle urgence y avait il par rapport à l’instruction en cours ?
La BAC Nord était une des brigades les plus performantes de France par comparaison à une unité de même type. Elle a réalisé en 2011 plus de 4 500 interpellations avec mise à disposition de la Justice, sur les 11 500 faites à Marseille tous services de police confondus.
Sa dissolution, a été fêté par nombre de dealers et autres voyous en tout genre.
Malheureusement cette décision, a conduit également à valider les propos du Procureur de la République, accréditer l’idée des flics « ripoux » et jeter la suspicion sur l’ensemble des fonctionnaires de la police nationale.
Les médias ont été confortés dans leurs positionnements et la façon dont ils traitaient l’affaire. Ainsi quoiqu’aient pu déclarer les fonctionnaires incriminés lors de leurs auditions, ils étaient déjà coupables, au point où je ne compte plus les articles qui titraient sur les « ripoux ».
Ce qualificatif marque les esprits et l’opinion publique dans un contexte national caractérisé par les affaires qui touchent des membres de l’appareil de l’Etat au plus haut sommet de celui-ci.
La encore le ministère a sans doute évaluer la gravité des faits au regard du rapport de l’IGPN.
3 - Ma troisième remarque, porte sur le rôle de l’IGPN.
L’étude attentive des dossiers m’a amené à m’interroger sur les motivations exactes de l’IGPN dans cette affaire.
Recherche de la vérité ou élaboration d’un scénario ?
Je m’explique, après 3 mois de mise sur écoute des téléphones mobiles et fixes des agents de la BAC Nord, les enquêteurs font le constat sans doute décevant qu’ils n’ont rien à se mettre sous la dent.
Ils demandent l’autorisation judiciaire de sonoriser tous les véhicules de service et au bout de six mois ils n’ont toujours que des suppositions.
Pourtant en haut lieu on pense qu’il faut agir, faire quelque chose. L’ordre est donné de passer à l’action avec pour tout résultat des perquisitions, quelques barrettes de cannabis, deux cagoules, un « pied de biche » et des bijoux de quincaillerie sans valeur pour les quels, entre parenthèse, il n’est établi aucune valeur vénale.
Alors ont tente d’exploiter comme l’on peut les sonorisations, fusse en les tordant. Des mots sont mis bout à bout, des bribes de phrases utilisées pour construire des conversations.
Cette mauvaise foi se manifeste dans le rapport de synthèse en date du 12 septembre 2013 signé par le directeur général de l’IGPN de Lyon.
Par exemple, le nom de mon fils apparait parmi d’autres, dans l’audition de l’ex -policier révoqué, pour des fait qui se seraient déroulés 7 mois avant son affectation dans le groupe mis en cause.
Des enquêteurs normalement constitués auraient cherché à savoir comment cela pouvait être possible et bien non !!!
C’est donc sur la base d’une déclaration inexacte que des fonctionnaires sont mis en cause.
La seule réalité objective réside dans les quelques barrettes de cannabis que mon fils détenait. Certes cela n’est pas légal, mais il a toujours indiqué que c’était pour rémunérer, le cas échéant, un de ses informateurs.
Face à cette hypothèse, les enquêteurs n’ont pas cherché à vérifier la fiabilité de ses propos, mais uniquement à démontrer que c’était à des fins de trafic.
Cela se traduit dans le rapport de synthèse de l’IGPN par «la durée alléguée de cette détention (en référence aux barrettes) ne peut que surprendre, M. Dutto ayant justifié sa façon de procéder par la nécessité de pouvoir récompenser ses informateurs ».
En utilisant le terme « ne peut que surprendre » le signataire introduit, de fait, la notion de doute sur les déclarations de mon fils.
Mais s’il avait eu un doute sur la réalité de la destination des produits concernés, il aurait du chercher à le lever pour avoir des certitudes en poursuivant ses investigations.
Il aurait pu explorer les autres utilisations possibles ?
L’usage personnel ? Il y a les prélèvements, mon fils s’y étant soumis, il n’y avait rien de plus facile que de prendre connaissance des résultats. Ils sont négatifs pour lui, comme pour tous les fonctionnaires s’y étant soumis.
Le trafic ? Il aurait pu enquêter sur les comptes bancaires, les revenus, le train de vie, n’est ce pas la première chose que font les enquêteurs des stups lorsqu’ils soupçonnent, un individu de se livrer à un trafic de stupéfiant ?
Absolument pas !
Je pourrais citer d’autres exemples de ce type, notamment sur les interprétations des transcriptions, qui me confortent dans l’idée que l’IGPN n’a pas mené son enquête avec l’objectif d’établir la réalité des faits, mais de rédiger un rapport dont la succession de suppositions et d’éléments à charge suffiraient à démontrer la culpabilité des fonctionnaires concernés.
Alors je pose la question à Madame la Directrice, Chef de l’Inspection Générale de la Police Nationale, comment se fait il que vous ayez couvert des anomalies de ce type ?
S’il y a un scandale il n’est pas à rechercher dans le comportement des fonctionnaires de BAC Nord mais dans la façon dont l’enquête a été menée.
Le résultat, c’est une démotivation des policiers qui se sentent abandonnés par les plus hautes autorités de l’Etat, c’est l’affaiblissement de l’autorité policière et de la confiance que doivent avoir nos concitoyens dans leur police.
C’est le risque de révocation qui pèse sur des fonctionnaires excellemment notés, ayant fait leurs preuves et aimant leur métier.
Des hommes à qui on doit un engagement sans faille et déterminé contre les violences de voies publiques, la délinquance et la criminalité. Si le fait de rémunérer, par des pratiques non conventionnelles, des informateurs pour raison de service, constitue une faute administrative, alors qu’il y ait sanction, mais proportionnellement à la gravité de la faute.
En face de la détention de quelques barrettes de cannabis pour raison de service, il faut y mettre les trois kilos et demi de produits stupéfiants saisis, la localisation et l’interpellation de violeurs, d’arracheurs de colliers ou de responsables de vol avec violence, les lettres de félicitations des hautes autorités policières et les blessures en service en quatre ans de BAC.
Tout cela ne doit pas passer « en pertes et profits »
Au travers des fonctionnaires de la BAC Nord, je défends tous les justiciables de notre pays. S’il n’y a pas de voix qui s’élève pour défendre le droit à la vérité alors personne ne sera à l’abri de preuves fabriquées, d’enquêtes tordues.
Je prends la parole parce que je ne laisserai pas salir, l’honneur de mon fils, celui de sa famille, pas plus que le nom qu’il porte. Mes deux fils sont fonctionnaires de police et ont été éduqués dans le respect des règles de la République.
Ils m’ont toujours vu être en première ligne pour dénoncer et combattre les trafics de drogues, agir pour la tranquillité des habitants des cités et quartiers, organiser les luttes pour améliorer leur cadre de vie.
Je prend la parole pour défendre l’honneur de tous les fonctionnaires de la BAC Nord mis en cause et celui de leurs familles.
Je dénonce publiquement la façon dont cette enquête a été menée et les conclusions qui en émanent.
En agissant de la sorte l’IGPN a pris en otage l’ensemble des acteurs concernés par cette affaire, Justice, administration, fonctionnaires de police, Ministère.
Cette situation ne permet pas aux Conseils de Discipline de fonder un avis sur la réalité et la gravité des faits.
Il n’est pas la même chose d’être en possession de stupéfiant avec la volonté d’améliorer les résultats du service que s’il s’agit d’en tirer profit personnel.
Or comme je l’ai indiqué précédemment l’enquête introduit sur cette question la notion de doute à charge.
J’en appelle à Monsieur le Ministre de l’Intérieur afin qu’il veille à ce que les Conseils de Discipline, disposent de tous les éléments objectifs qui leurs permettront de se prononcer sur la réalité des faits, leurs natures et gravités.
En l’état du dossier, cela ne me semble pas être le cas.
Les fonctionnaires concernés ont déjà été sanctionnés, détention préventive, suspension de service sans traitement pendant six mois sans avoir eu accès à de quelconques aides financières et mutations hors du département.
Ils ne peuvent être soumis à double, triple où quadruple sanctions.
Dans ces conditions n’est-il pas opportun que les Conseils de Discipline, se tiennent sur la base d’une enquête plus approfondie et après les décisions judiciaires qui ne manqueront pas de statuer sur la réalité des faits ?
La réponse de l’Institution à des erreurs de procédures, à des pratiques ou méthodes non conventionnelles doit être juste, proportionnée, pour cela elle doit disposer de certitudes et non de doutes.
Si cela ne devait pas être le cas elle se discréditerait et je continuerai à agir, le temps qu’il faudra, pour que toutes les responsabilités soient établies et l’opinion publique informée.
Je vous remercie de votre attention.